Y a-t-il des liens nécessaires entre analyse technique des œuvres musicales et étude de leur dimension sociale et politique? À la fin du XXe siècle, la croyance en la neutralité idéologique et en la fonction objectivante de l’analyse musicale a été remise en question par de nombreux musicologues en s’inspirant bien souvent des débats et des méthodes des sciences sociales. La relation entre la discipline analytique et l’herméneutique socio-historique des œuvres musicales n’a cessé d’être mise en cause et transformée. L’historicisation critique des discours sur la musique a semblé un pas incontournable, de même que le développement de nouvelles approches empiriques pour la description des phénomènes sonores. L’une et l’autre permettent notamment de repenser les présupposés théoriques de l’analyse musicale et, plus généralement, de la musicologie. Cette thématique est ici introduite par deux textes encore inédits en langue française, et qui ont fait date dans les mondes germanique et anglo-saxon, À propos du problème de l’analyse musicale de Theodor W. Adorno (1969) et Comment nous sommes entrés dans l’analyse, et comment en sortir de Joseph Kerman (1980). Outre ces références, les contributions de ce volume sont organisées autour de deux axes complémentaires: qu’en est-il de la dimension politique des savoirs analytiques du passé, ainsi que de ses prolongations dans les usages actuels des musicologues? Qu’en est-il du projet d’une pratique analytique contemporaine qui se donnerait comme objet, précisément, l’élucidation du lien passé ou présent entre musique et politique?