"L'ethnographie occidentale s'est beaucoup intéressée à l'époque coloniale aux pratiques magiques africaines. La part africaine de ce continent colonisé ne résidait-elle pas dans ce vieux fonds prélogique investi par des forces magiques? Les romanciers africains n'ont pas eu le choix: il leur a fallu affronter ce terrain miné. L'alternative semblait simple, soit l'Afrique plongeait dans la modernité et disqualifiait les gesticulations des charlatans, soit elle faisait de ses féticheurs les dépositaires d'un véritable savoir africain sur le réel, un savoir à la fois mystérieux et efficace. L'évidence de l'alternative se révèle vite trompeuse, elle ne tient pas compte des exigences de l'écriture romanesque et du réseau de causalités qu'elle met en place. L'option rationaliste comme l'option merveilleuse s'enfermeront dans le roman à thèse en contrôlant de façon volontariste les circuits de causalité. Dès les années cinquante, le roman africain explorera la voie de la double causalité qui lui permettra de faire une poussée novatrice dans le champ du roman contemporain. Un roman ne reconstitue pas un enchaînement de causes, il met en scène des événements qui sont autant de carrefours où mondes visible et invisible entrent en contact pour le meilleur et pour le pire. A condition d'inventer une "poétique magique" le roman peut raconter l'événement pur, dégagé de toute représentation: l'enjeu est d'importance pour le roman africain qui dès l'origine a dû se débattre avec une image imposée de l'Afrique et de son Histoire."Texte de couverture