La question qui traverse ce recueil est celle de l’éventuelle existence d’une écriture réaliste qui, par delà les différences des divers écrivains qui se réclament de cette esthétique, possèderait sa rhétorique, sa stylistique, sa thématique ou sa « poétique insciente » (selon une formule de Flaubert) propres.« Puisque réalisme il y a » est le titre que Baudelaire songeait en 1855 à donner à un article sur Courbet qu’il n’a jamais publié. En 1857 Champfleury écrivait dans son essai Le Réalisme qu’il souhaitait « chercher les causes et les moyens qui donnent les apparences de la réalité aux oeuvres d’art ». A peu près à la même époque Flaubert parlait des nombreuses « ruses » subtiles que l’écrivain devait inventer pour faire vrai. Son fils spirituel Maupassant, lui, revendiquait pour l’écrivain réaliste l’étiquette, plus juste à ses yeux, d’ « illusionniste ». Et Valéry indiquait, de son côté, un peu plus tard, que le « désir de réalisme » impliquait une « gymnastique » spécifique d’une certaine écriture. Le réalisme, variété donc d’un discours de manipulation. Un « faire croire ».Ecrire le réel ne va pas de soi, la mimesis est une construction, et l’« effet de réel » (R. Barthes) doit donc se fabriquer. Décrire les corps au travail, mettre en listes le réel, faire défiler le réel, peindre le dessus et le dessous, collectionner les reliques du réel, traquer le réel dans ses vibrations les plus intimes, dire le faux pour dire le vrai, voir le langage, mettre des détails, être sérieux, tels sont les motifs, déductibles de ce désir de réalisme, qui seront ici étudiés dans leurs conséquences dans l’écriture, dans la « gymnastique » et dans les multiples « ruses » de leurs mises en textes et en œuvres.